"Mesdames et Messieurs, faites vos jeux, rien ne va plus!" Le scrutin électoral du 9juin a rendu dans les urnes ses différents verdicts. Des verdicts implacables pour certains. Mais avec un jeu bien plus ouvert qu’en2019. Place désormais au traditionnel poker menteur afin de déterminer les potentielles coalitions de gouvernement en vogue au Fédéral. Qui prendra la barre du vaisseau Belgique? Pour l’emmener à quel port et surtout dans quel état? Petit tour du propriétaire avec l’aide du CRISP (Centre de recherche et d’information socio-politiques) afin de vous permettre d’y voir plus clair dans cette purée de pois qu’est la politique belge.
Une coalition "Åland" ou "fantaisie"
MR-NVA-Les Engagés-CD&V-Vooruit: 82sièges au total sur 150 à la Chambre des Représentants.
C’est ce qui se cache derrière cette formule barbare prénommée "Åland", à ne pas confondre avec un serial buteur norvégien. De son côté Jean Faniel, directeur du CRISP, préfère le terme de coalition "danoise"*.
Les +de cette option: son hom*ogénéité idéologique qui frappe immédiatement aux yeux. Un nombre limité de partis (5). Ees partis habitués en grande majoritéà bosser ensemble. Cette coalitiondispose aussi d’une majorité dans les deux groupes linguistiques, francophone et néerlandophone. Une majorité relativement confortableen cas d’éventuelles défections ou absences.
Les – de cette option: Vooruit se retrouverait isolé comme seul parti de "gauche". Mais ce point faible est à relativiser. Vooruit (ex-SPA) ayant d’ailleurs déjà déclaré être prêt à aller au pouvoir sans son parti "frère" alias le PS. Briser les familles n’est pas un acte interdit en politique. Le PS avait été sans Vooruit au pouvoir dans le gouvernement Leterme 1er.
"N’empêche que cela resterait très inconfortable pour eux. Ce serait la toute première fois qu’ils montent en solo au gouvernement fédéral. Il faudra alors sûrement les convaincre avec des postes ministériels clés", avance Cédric Istasse, chercheur au CRISP. "Mais dans l’espace francophone on oublie parfois un peu trop souvent que Vooruit ce n’est pas le PS flamand. C’est un parti beaucoup moins à gauche. Il a déjà été dans des gouvernements de droite. Prenez Frank Vandenbroucke. Ce n’est pas un socialiste comme en Wallonie. C’est donc bien plus facile pour eux de glisser vers le centre-droit".
Sans oublier que Bart De Wever, le président des nationalistes flamands, ne cache pas qu’il préfère largement une alliance avec Vooruit que l’Open VLD. Il est de notoriété publique qu’il entretient de meilleures relations avec les responsables des socialistes flamands.
Complexe mais réalisable
Un deuxième écueil reste cependant sur la table: la réforme de l’Etat. "J’imagine mal la N-VA ou le CD&V accepter de refédéraliser des compétences. De Wever invoquera encore sûrement le sens de l’histoire en appelant à encore plus régionaliser. Ce serait pire que se renier s’il faisait l’inverse. Reste enfin à voir ce que contient réellement sa définition du confédéralisme", note le chercheur du CRISP. Une pause institutionnelle en échange de vastes réformes socio-économiques comme en2014, sous le gouvernement Michel, pourrait également être évoquée. Même si Georges-Louis Bouchez, leader du MR, et Maxime Prévot, président des Engagés, se sont montrés ouverts à de minimes régionalisations. "La ligne Belgicaine de Bouchez est d’ailleurs une ligne toute personnelle mais pas celle de son parti".
*Mélangez du jaune, du rouge et du bleu, vous obtiendrez aussi: le drapeau arménien, colombien ou encore Mongol…
Une Suédoise élargie mais friable sur ses appuis
MR-Les Engagés-NVA-CD&V-Open VLD: 76 sièges sur 150.
Les +de cette option: des lignes de convergences idéologiques encore plus fortes sur les thèmes socio-économiques et sécuritaires. Son nombre limité de partis à 5.
Les – de cette option: sa grande fragilité avec un seul siège au-dessus de la majorité! De plus, l’Open VLD, par l’entremise de son président démissionnaire Tom Ongena a confirmé en bureau de parti ce lundi qu’il privilégiait, après une défaite cuisante, une cure d’opposition, tous niveaux de pouvoirs confondus.
Cette Suédoise élargie, vu l’apport des Engagés, n’est donc pas, du moins en premier lieu, une option viable vu sa majorité fort étriquée. Sans compter qu’elle ne totalise que 43 sièges sur 90 dans le groupe linguistique flamand. "Elle serait dès lors en minorité dans le nord du pays. Il en faudrait beaucoup pour faire avaler detelles couleuvres aux nationalistes flamands", pointe Cédric Istasse. Car Bart De Wever n’a eu de cesse de dénoncer ce genre d’attelage dans le passé…
Une Vivaldi bis hautement improbable
PS-MR-Ecolo-Vooruit-Open VLD-CD&V-Groen: 76 sièges
Les +de cette option: … Pas évident à pointer dans un premier temps. Même si elle pourrait sortir le pays de l’instabilité si le scénario de2019 repasse les plats. De là à croire à la résurrection d’une Vivaldi 2, pas sûr que même le plus chrétien des démocrates flamands miserait un crucifix dessus.
Les – de cette option: une coalition de perdants (88sièges en2019), son nombre important de partis (7) et sa fragilité parlementaire avec un seul siège de marge.On pourrait aussi mentionner son historique car la Vivaldi présente un bilan de gouvernement peu flatteur. Cette coalition garde surtout l’image d’avoir été en mode perpétuel de gestion de crise. Une gestion à 7 partis semble aussi être très chaotique et susciter la cacophonie au vu de l’expérience récente. Alors ne commencez pas à imaginer l’apport du seul député Défi pour amener la majorité à un pénible 77 sièges…
"Ce serait une formule extrêmement dangereuse avec probablement un retour de manivelle encore plus conséquent par la suite", analyse Cédric Istasse du CRISP. Un scenario encore plus improbable vu que le PS vient d’officialiser sa volonté d’aller dans l’opposition.
N’empêche que cette majorité pourrait être profitable augouvernement en affaires courantes d’Alexander De Croo afin de sortir la Belgique d’un énième mauvaispas… si et seulement si une nouvelle crise politique devait voir le jour, comme il est de coutume en Belgique…"Cette majorité relative pourrait en attendant voter des projets ou propositions de lois. Un luxe dont ne pouvait se targuer ni Charles Michel ou Sophie Wilmes", appuie Cédric Istasse.
La coalition "papillon"
PS-MR-Les Engagés-NVA-Vooruit-Open VLD-CD&V: 105 sièges.
Les +de cette option: une très large majorité (2/3) permettant une vaste réforme de l’Etat. Elle réunirait les grandes familles politiques traditionnelles du pays et le premier parti flamand.
Les – de cette option: son nombre de 7 partis. On pourrait réduire à 6 en excluant l’Open VLD mais alors les Francophones seraient plus nombreux en termes de députés….ajoutant dès lors un nouveau flot de critiques.
On pourrait égalementimaginer que le Parti Socialiste et l’Open VLD ne montent pas au gouvernement mais soutiennent l’élaboration d’une 7e réforme de l’Etat. Un peu à la manière des partis écologistes en2010 sous l’impulsion du Premier ministre Di Rupo. Une autre association à 7 partis semble inenvisageable vu les tensions très fortesentre les verts et les nationalistes.
Notez enfin que dans toutes ces associations, Les Engagés sont devenus le grand frère du CD&V. Comme quoi la politique belge n’en finira jamais de nous surprendre.
À lire aussi
Élections2024: voici la liste des élues et élus belges dans les différents parlementsÀ lire aussi
Résultats élections 2024 - projections en sièges : voici à quoi ressembleront les nouveaux parlementsÀ lire aussi
Elections 2024 à la Chambre: coup de barre à droite, la N-VA en Flandre, le MR à Bruxelles et en Wallonie. Les Engagés en grande formeEdition spéciale Elections 2024
Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement